Le Panthéon de Paris



Son Histoire

Modifications de Quatremère de Quincy pour en faire un temple républicain

Le 4 avril 1791, l'Assemblée constituante transforme l'église Sainte-Geneviève en « Panthéon des grands hommes ». Elle charge Quatremère de Quincy d'adapter les lieux à cette nouvelle fonction.

Les choix de l'architecte modifient l'idée initiale de Soufflot : il change l'apparence extérieure en supprimant le lanterneau et les clochers, devenus inutiles. Intérieurement, il obture 38 des 42 fenêtres, modifiant ainsi profondément la circulation de la lumière à l'intérieur du bâtiment. Alors que le projet initial était de faire entrer le plus de lumière possible, l'obturation des ouvertures plonge maintenant la base du lieu dans une semi-pénombre. Elle accentue la lumière zénithale issue de l'oculus de la coupole à caissons, comme c'est le cas pour le Panthéon de Rome.

La suppression de ces fenêtres perturbe la ventilation du bâtiment ; elle accroît en particulier le taux d'humidité et se trouve à l'origine, au XXe siècle, de fissures et d'érosion des structures métalliques.

Au milieu du bouillonnement des idées de la Révolution française, concernant le Panthéon, il faut retenir l'idée de Charles De Wailly, finalement non réalisée, qui aurait consisté à modifier l'édifice pour le mettre au goût de l'époque et lui donner le caractère de solidité qui semblait lui manquer.

Période napoléonienne

Durant cette période, la polémique sur la solidité de l'édifice continue au point qu'un étayage intérieur est mis en place. Visitant l'édifice le 13 février 1806, Napoléon s'intéresse de près aux remèdes possibles pour le solidifier en proposant de mettre des piliers en fonte pour soutenir le dôme. Il attribue une somme de 600 000 francs à la réfection du bâtiment et, sur les conseils de son architecte, M. Fontaine, il charge Rondelet de cette mise en application.

Finalement la seule réalisation est, à l'arrière de l'édifice, la construction d'un escalier monumental pour descendre dans la crypte.

Les débuts d'une église royale

En 1744, alors qu'il se trouve à Metz souffrant d’une grave maladie, Louis XV fait le vœu, s’il survit, de faire ériger une église dédiée à sainte Geneviève. Rétabli, et de retour à Paris, il charge le marquis de Marigny, directeur général des bâtiments, d'édifier le monument en lieu et place de l’ancienne abbaye Sainte-Geneviève, alors en ruine. Plusieurs architectes dont Laurent Destouches conçoivent les plans d'un nouvel édifice. Mais, en 1755, le marquis de Marigny confie la responsabilité des plans à l’architecte Jacques-Germain Soufflot, qui avait envoyé de Rome, un projet adopté par acclamation.

Le chantier commence en 1757 et l'abbé de Sainte-Geneviève bénit le terrain le 1er août 1758. Dès lors on commence à creuser les fondations.

Louis XV pose la première pierre le 6 septembre 1764, devant une grandiose préfiguration : le futur portail y figure, peint et représenté grandeur nature, comme un décor en toile tendu sur une charpente ; l'œuvre est due aux peintres Pierre-Antoine Demachy et Callet. Le souverain est accompagné du dauphin, de l'abbé de Sainte-Geneviève, du marquis de Marigny, directeur général des Bâtiments du roi, ainsi que de l'architecte Soufflot, qui lui présente son projet. Une médaille commémorative de la cérémonie est gravée par Pierre-Simon-Benjamin Duvivier et Charles Norbert Roëttiers. Elle porte au droit l'effigie du roi et au revers l'élévation initialement prévue. Un exemplaire en or de cette médaille, offert par le roi à Jean-Baptiste de Puisieux, collaborateur de Soufflot, est conservé au musée Carnavalet. Un célèbre tableau de Demachy représentant la cérémonie, présenté au Salon de 1765, et un grand dessin préparatoire à la plume et au lavis de bistre pour la composition de Soufflot sont également conservés au musée Carnavalet.

Cependant, des critiques s’élèvent bientôt, dès 1770, au sujet du dôme dont on prédit, notamment l’architecte Pierre Patte, que les bases ne suffiront pas à le porter et que, faute de remplacer les colonnes de soutènement par des piliers pleins et massifs, l’édifice est voué à l'effondrement. Bientôt l’idée est fermement ancrée chez beaucoup de Parisiens qui s’imaginent l’ouvrage destiné à s’écrouler à plus ou moins long terme. Mercier, par exemple, se fait l’écho de cette rumeur dans son Tableau de Paris : « Le dôme ou la coupole de l'église de Sainte-Geneviève s’écroulera-t-il sur nos têtes ? Ou bien bravera-t-il, sur une base inébranlable, les clameurs et les alarmes de M. Patte ? Il a annoncé le danger, n’est-il qu’imaginaire ? S’il arrivait, il ne nous resterait donc que la majestueuse façade de ce monument ; morceau qui mérite les plus grands éloges ».

La construction prend du retard à cause de difficultés financières dues à la guerre et à la mort de Soufflot en 1780. L'édifice n'est achevé qu'en 1790, par les associés de Soufflot, Jean-Baptiste Rondelet et Maximilien Brébion. Ils dénaturent cependant le projet en le privant de la partie audacieuse et originale qui le caractérisait. C'est la Révolution, qui entrainera la déconfessionalisation du monument et une épuration de l'architecture : suppression des deux clochers prévus initialement, obturation des trente-neuf fenêtres de la nef, anéantissant définitivement l'esthétique lumineuse du temple, voulue par Soufflot.

De l'église catholique et royale au temple républicain

C'est à la mort de Mirabeau, le 2 avril 1791, que l'on songe à réunir les tombes des grands hommes de France dans un endroit qui leur soit dédié, à l'image de l'abbaye de Westminster en Angleterre ou de l'église Saint-Étienne-du-Mont dans le passé en France.

La proposition d’Emmanuel Pastoret d'utiliser pour cela l'édifice qui vient d'être achevé et n'est pas encore consacré comme église, plutôt que la rotonde de la Villette et le Champ-de-Mars, est retenue par l’Assemblée nationale. Cette dernière décide, par un décret du 4 avril 1791, que le bâtiment servira de nécropole aux personnalités exceptionnelles qui contribuent à la grandeur de la France.

Le discours d'Emmanuel Pastoret, procureur syndic du département de Paris, provoque l'acclamation de l'Assemblée entraînée par Robespierre et Barnave : « Messieurs, Le Directoire du département propose à l'Assemblée nationale de décréter :

  1. Que le nouvel édifice Sainte-Geneviève soit destiné à recevoir les cendres des grands hommes, à dater de l'époque de notre liberté.
  2. Que l'Assemblée nationale puisse seule juger à quels hommes cet honneur sera décerné.
  3. Que Honoré-Riquetti Mirabeau en est jugé digne.
  4. Que les exceptions qui pourront avoir lieu pour quelques grands hommes, morts avant la Révolution, tels que Descartes, Voltaire, Rousseau, ne puissent être faites que par l'Assemblée nationale.
  5. Que le Directoire du département de Paris soit chargé de mettre promptement l'édifice Sainte-Geneviève en état de remplir sa nouvelle destination, et fasse graver au-dessus du fronton ces mots : Aux grands hommes la patrie reconnaissante. »

Entre 1791 et 1793, le bâtiment est par conséquent profondément modifié par Quatremère de Quincy, qui lui donne son apparence actuelle afin qu'il devienne un « panthéon », c'est-à-dire un monument consacré à la mémoire des grands hommes de la nation.

Entre 1796 et 1801, un chantier de consolidation du monument voit se succéder de nombreuses expertises, de projets et de controverses entre des architectes, tels que Antoine-Marie Peyre, Viel, Charles de Wailly, Jean-François Chalgrin, Alexandre-Théodore Brongniart, Louis François Petit-Radel, Léon Vaudoyer et des ingénieurs et mathématiciens, tels que Pierre-Simon de Laplace, Charles Bossut, Gaspard de Prony), dont triomphe pourtant, Jean-Baptiste Rondelet.

Les revirements historiques du XIXe siècle

Sous le Premier Empire, par le décret du 20 février 1806, le bâtiment prend le nom d'église Sainte-Geneviève ; c'est à la fois le lieu d’inhumation des grands hommes de la patrie et un lieu de culte. La crypte reçoit donc le cercueil de grands serviteurs de l'État, tandis que dans la partie supérieure se déroulent des cérémonies religieuses notamment liées aux commémorations impériales. « [Au bivouac]… les soldats se dispersaient dans les environs pour aller déterrer des pommes de terre. Un champ était bientôt récolté, et le repas était bientôt préparé au feu du bivouac. Le silence durait tant que durait cette importante occupation ; mais elle ne durait pas longtemps et les provisions étaient épuisées avant que la faim ne fût apaisée. L'inépuisable gaieté du soldat français revenait alors. Ne doutant de rien, parlant de tout, lançant des saillies originales et souvent même instructives, tel est le soldat français. Un soir, on parlait politique et des nouvelles de Paris ; le propos était tombé sur les grands hommes qu'on avait fait entrer au Panthéon ou qu'on en avait successivement fait sortir, suivant l’esprit du jour et l’influence du parti régnant. - Qui va-t-on mettre aujourd’hui, demanda quelqu'un ? - Parbleu, répondit son voisin, une pomme de terre. et tout le monde d’applaudir cette saillie, qui avait plus de portée que l'intention de son auteur n'avait probablement voulu lui donner. »

Au début de la Restauration, le Panthéon reste un lieu d'inhumation pour les grands hommes. L'ordonnance royale du 12 avril 1816 rend l'église Sainte-Geneviève au culte catholique, prévoyant la « suppression de tous les ornements et emblèmes étrangers au culte catholique ». En 1819, les lettres de bronze formant l'inscription du fronton sont enlevées, mais le texte reste lisible. C'est seulement en 1823 (pour le fronton) et en 1826 que les traces de l'ancienne fonction du Panthéon disparaissent finalement. En décembre 1821, les tombes de Voltaire et de Rousseau avaient été déplacées pour ne plus être visibles du grand public tout en restant dans l'édifice : alors que ses courtisans demandaient à Louis XVIII s'il était bien convenable de laisser la dépouille de l'anticlérical Voltaire dans un lieu rendu à sa fonction d'église, le roi répondit : « Laissez-le donc, il est bien assez puni d'avoir à entendre la messe tous les jours ».

À son tour, la monarchie de Juillet retire l'église Sainte-Geneviève au culte catholique et lui rend sa destination de panthéon qui est appelé alors « le Temple de la Gloire ». David d'Angers refait le fronton et la célèbre devise « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » réapparaît. Pourtant, durant cette période personne ne sera panthéonisé. De 1848 à 1851, sous la Deuxième République, il est « Temple de l'Humanité », sans succès non plus pour d'éventuels nouveaux locataires.

Sous le Second Empire (1851-1870), l’édifice redevient une église et l’inscription disparaît à nouveau33. Le décret du 6 novembre 1851 n'abroge pas l'ordonnance de Louis-Philippe maintenant le caractère de sépulture nationale voulue par la Révolution. La cérémonie de reprise du culte a lieu le 3 janvier 1852.

Un second décret, du 22 mars 1852, fixe les conditions d'exercice du culte. Ne s'agissant pas d'une paroisse ni de l'église d'une congrégation, l'État prévoit les modalités d'exercice suivantes : « Une communauté de prêtres est établie pour desservir l'église Sainte-Geneviève de Paris. Cette communauté est composée de six membres qui prennent le titre de chapelains de Sainte-Geneviève, et d'un doyen. Les chapelains de Sainte-Geneviève sont institués aux fins de se former à la prédication et de prier Dieu pour la France et pour les morts qui auront été inhumés dans les caveaux de l'église ».

« Il [Napoléon III] a enfoncé un clou sacré dans le mur du Panthéon et il a accroché à ce clou son coup d'État. »